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Les conservateurs s'en prennent à nouveau aux syndicats avec un projet de loi jugé « grossièrement injuste »

SCA Canada lance un appel à tous ses membres, afin d'empêcher l'adoption au Parlement d'un projet de loi qui imposerait aux syndicats de dévoiler des renseignements qui ne sont pas exigés d'autres organisations dont les cotisations des membres sont déductibles d'impôt.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) insiste pour dire que, dans sa version actuelle, le projet de loi C-377 serait « le projet de loi le plus coûteux et discriminatoire imposé au mouvement syndical » au Canada.

Ainsi, toutes les organisations syndicales au pays, incluant leurs locaux, sous-sections, conseils, lodges et autres seraient tenus de divulguer des renseignements détaillés sur leur situation financière, les salaires, les contrats avec leurs fournisseurs, les prêts, les comptes clients, les investissements, les dépenses consacrées au recrutement syndical, les négociations collectives, la formation, l'éducation, les initiatives de lobbying et toute activité de nature politique. Ces renseignements seraient alors rendus publics sur le site Web de l'Agence du revenu du Canada (ARC).

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La loi s'appliquerait à tous les syndicats nationaux, internationaux et régionaux de même que leurs composantes et locaux, ainsi qu'aux fédérations et conseils des travailleurs – soit environ 25 000 organisations en tout.

Les renseignements devant être divulgués incluent notamment :

Toute transaction de plus de 5 000 $ pour fournitures et services, dont : le nom et l'adresse du payeur/payé; la nature et une description détaillée de la transaction; et le montant de celle-ci. Ainsi, tout concurrent pourrait avoir accès aux détails d'une entente contractuelle avec un professionnel ou entreprise faisant affaire avec un syndicat – une occasion pour eux de faire une meilleure offre.

Tout débours aux employés : tous les membres du personnel, de la réceptionniste au président, verront leur nom, leur salaire et leurs avantages sociaux publiés (or, le bureau du premier ministre refuse de faire la même chose, invoquant le droit à la vie privée).

Une ventilation détaillée de toute facture de plus de 5 000 $ provenant d'un cabinet juridique. Cela constitue une violation flagrante du secret professionnel entre un avocat et son client. Personne ne devrait être tenu de divulguer au gouvernement et au public les détails de leurs échanges avec leur conseiller juridique.

Les syndicats qui gèrent des régimes de pension et de santé seraient tenus de divulguer les détails de toute dépense de plus de 5 000 $ relative aux pensions ou à l'assurance-maladie. Une fois de plus ici, le droit à la vie privée est bafoué.

« Un tel projet de loi est à la fois grossièrement injuste et tout à fait hypocrite, a déploré Martin O'Hanlon, directeur de SCA Canada. Il est tout simplement inacceptable d'imposer ce genre de surveillance minutieuse exclusivement aux organisations syndicales, surtout lorsqu'on sait que même les députés, dont le financement provient des contribuables canadiens, ne divulguent pas en détail la façon dont ils dépensent cet argent. »

« Tout ce dont il s'agit ici, c'est d'une autre attaque idéologique des conservateurs envers les syndicats, le genre de manœuvre que l'on observe du côté du parti républicain aux États-Unis, a-t-il poursuivi. Or, aucun Canadien ne peut en toute honnêteté appuyer une telle démarche, et ce, peu importe son allégeance politique. »

Le CTC a fait remarquer que le projet de loi a obtenu l'appui de divers groupes antisyndicaux tels l'Institut Fraser, les Merit Shop Contractors et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. La raison : ces derniers auraient alors accès à des informations détaillées sur les dépenses des syndicats, ce qui leur permettrait de mieux déterminer le rapport de forces. La divulgation de ces renseignements, dont les coûts seraient assumés par les contribuables ainsi que les syndicats eux-mêmes, pourrait alors mettre en péril les droits acquis lors de négociations collectives ainsi que les initiatives de recrutement syndical.

SCA Canada invite fortement ses membres à communiquer dès que possible avec leur député local, afin de rappeler au gouvernement à quel point il est injuste d'imposer ce genre de surveillance minutieuse exclusivement aux organisations syndicales. Le projet de loi en est présentement à une étape préliminaire à la Chambre des communes. Un débat à ce sujet doit d'ailleurs avoir lieu aujourd'hui. Il est probable que le projet soit soumis à un vote au cours de la semaine prochaine. Si ce dernier est adopté, le dossier serait alors transmis au Comité des finances aux fins d'examen, ce qui pourrait donner lieu à des audiences publiques.

Le député conservateur Russ Hiebert, qui a proposé le projet de loi, adhère ici à une pratique devenue norme au sein de son parti, c'est-à-dire l'introduction d'une législation visant à régler un problème inexistant. Un site Web à l'appui du projet de loi (qui fut sans doute mis sur pied aux frais des contribuables) comporte divers renseignements à la fois faux et trompeurs, et le député semble croire que le mensonge deviendra vérité si on le propage de façon systématique.

Même si Hiebert reconnaît que les syndicats divulguent d'ores et déjà à leurs membres des renseignements de nature financière, en conformité avec leurs propres règlements et ceux imposés au niveau provincial, le député attribue la nécessité que ces renseignements deviennent publics aux « avantages fiscaux dont bénéficient ces institutions » — une somme qu'il évalue à 400 millions $ annuellement.

Une telle affirmation est totalement fausse. Les syndicats n'obtiennent aucune subvention publique. Ce sont les travailleurs et leur famille, et non les syndicats, qui bénéficient d'une déduction fiscale sur leurs cotisations. Un tel avantage fiscal accordé à ces travailleurs est identique à celui dont bénéficient ceux et celles qui versent des cotisations en tant que membres de sociétés du Barreau, d'associations médicales ou d'employeurs faisant partie d'une quelconque association professionnelle.

Le leader de l'opposition à la Chambre des communes Joe Comartin a qualifié le projet de loi d'« attaque directe contre le mouvement syndical » lors d'une seconde lecture de la législation en février dernier. Le député du NPD a ajouté que le droit à la vie privée, à l'association et à la liberté d'expression s'en trouverait invariablement menacé. 

Selon Comartin, des lois similaires, quoique moins onéreuses, votées aux États-Unis avaient pour philosophie que « chaque dollar consacré à la divulgation de renseignements » était un dollar que l'on ne consacrait pas aux autres activités syndicales.

Alors que l'on affirme sur le site Web que les dépenses engendrées par les syndicats afin de compiler et transmettre ces renseignements seraient négligeables, le CTC estime au contraire qu'un syndicat moyen – géré la plupart du temps par des bénévoles – devrait y consacrer annuellement de 200 à 400 heures de travail, et le coût serait plus que significatif. On estime dans certains cas que les dépenses actuelles des syndicats augmenteraient de 20 pour cent. Certains fonds de pension seraient d'ailleurs tenus de fournir des documents « aussi imposants que le bottin téléphonique d'une grande ville ».

De plus, Hiebert effleure à peine le sujet des coûts pour les contribuables, soit des millions de dollars qui serviront notamment à mettre en place une immense base de données, à concevoir le matériel nécessaire et à embaucher des centaines d'employés à l'ARC pour administrer le tout.